Explorer les dons de l’enfant

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La maladie a pas mal progressé ses temps-ci. L’endometriose a des phases comme ça. 6 mois tu pètes la forme, tu fais du sport, tu cours au parc avec tes gosses, tu as une vie réglée et saine. Puis la semaine d’après, tu sais pas trop pourquoi t’es clouée au lit.
Nerveuse, affaiblie, douloureuse.

Entre 4 murs, allongée, t’as le temps de réfléchir. En plus j’ai souvent mal le soir donc tu comptes en plus des journées, quelques heures en plus creusant les nuits. Bon j’dis pas, les premiers temps tu déprimes sévère. Puis tu t’organises.

Les activités sont limitées. Je veux dire, tu fais l’effort pour tes mômes. Mais tout ce qui n’est pas obligatoire, tu délègues. Tu vas pas te tuer l’ovaire juste pour passer l’aspi, soyons claire. Petit Mari étant en arrêt les choses se goupillent pas mal, en plus des enfants à l’école ! En mars, en gérant tout, j’ai cru sincèrement mourir …là c’est plus simple. Du coup je me permets quelques loisirs dans la liste rétrécie des activités possibles…

Le cahier des charges a la taille de la Bible hein. Pas de geste brusque, du calme, rester assise ou allongée, occuper l’esprit qui s’égare souvent sur des idées sombres, tuant le temps efficacement.. Une bonne activité d’hibernation. Mais qui dure dans le temps, sans lasser, sans fatiguer inutilement … chaque goutte d’énergie est précieuse !

Bah moi c’est la couture. Un peu de tricot, un peu de broderie. Mais en ce moment je couds. Beaucoup. Ca a le mérite de me tuer 2 heures sans les sentir passer. Je couds la nuit. Quand la ville sombre dans le silence. Et que seule ma petite machine ronronne. C’est valorisant. Et ça quand t’es au fond de ton lit 5h par jour, bah c’est important. Parce que tu te doutes qu’on se sent vite inutile. Mais quand mes petits garçons reçoivent une petite cousette, ça me fait du bien. Je ne suis pas une maman qui peut sauter partout pour aimer mais je le montre à ma manière. Il reste une trace de tout ce temps gâché et perdu par la maladie. Je suis pro-du-cti-ve ! J’élabore des projets, je traduis des patrons allemands (pourquoi faire simple ?!), je scotche devant youtube à la recherche d’une vidéo m’expliquant telle technique …

Puis quand les lumières s’éteignent, cette chambre pleine de petits bouts de tissus découpés, de petits fils qui colorent le sol, avec la table à repasser qui traîne et des canettes mal rangées, elle semble avoir été vivante. Il s’y est passé quelque chose. La vie est encore là. La douleur a baissé la gueule. Un peu. Pas longtemps mais assez pour garder courage.

Quand j’étais plus jeune, je brodais beaucoup. Et j’entendais souvent dire que c’était un peu cucul, un peu neuneu aussi (bon en gros tu fais des croix sur un tissu …). C’était de la perte de temps. C’était pas vraiment un art. Ca n’apportait rien, ça ne demandait aucun investissement (mental) particulier… C’était accessible à tout le monde ! Alors à quoi bon ?

C’était ma mère l’artiste (peintre) de la famille. Ca c’est noble et ça fait rêver. Alors mes jeux de fils passaient toujours dans l’ombre. Quand je dessinais des patrons, ou des dessins de broderie y avait toujours un petit sourire. Personne n’a pris la peine de m’apprendre à coudre… J’ai acheté ma première machine, seule, et elle est restée 9 années à prendre la poussière ! Oui oui ! 9 ans sans jamais servir. Juste parce que je ne savais pas que, contre toute attente, bah j’étais douée pour ça. Pas douée douée mais disons plus que la moyenne générale des trentaines de ma génération 🙂

Et allongée, quand je prends le temps d’y penser, ça me renvoie à la mère que je suis moi. Et au formatage assez fort qu’on tend à utiliser, parfois inconsciemment sur nos gosses. Il faut que ça soit utile. Que ça produise quelque chose de qualité (tout de suite !). Il faut savoir dessiner un bonhomme parfait à 2 ans et détester les jeux vidéos. Il faut faire un sport à la rentrée. Si t’aimes la pétanque c’est foutu. Le saxophone ? LOL ! Si t’es bon aux échecs, bienvenue au pays de la solitude. Si t’es passionnée par les romans russes du 19e … là tu cherches les problèmes ! Papa aime le foot donc les enfants en feront. Maman aime la danse donc les enfants en feront …
Et pour les métiers, c’est pareil ! Faut vouloir être ingénieur, pas charcutier ! Les jouets ? les legos oui hein ! Mais pas des cailloux, à même le sable avec 2 branches et une plume ramassée dieu sait où ! C’est sale ! Ca sert à rien, c’est éphémère… Les legos c’est forcément bien, tout le monde en a !

Je voudrais pouvoir encourager mes enfants à aimer ce que eux aimeront. Même si l’un se passionne pour la taxidermie et l’autre pour les moulins à vent du Moyen Age. Bon celui qui fait de la taxidermie aura peut être droit discretement à un petit passage chez le pédopsy , mais après tout … pourquoi pas ? Un don dans la vie, une passion qui vraiment te fait du bien, te change les idées, te porte les jours de pluie, te hisse vers le soleil pendant des années ? Mais c’est une chance immense ! Et comment peut-on trouver son don si on n’explore pas le monde ? Si on ne nous donne pas les moyens de tout fouiner, de tout essayer, de tout tenter ? Je pense à une copine qui s’est découvert un talent tout à fait irréel au tir à l’arc à Cen** Park ! Tu tentes un truc, et t’es doué ! Tu sais pas comment, ni pourquoi !

Mathias passe 8h par jour à jouer aux robots. Je voudrais bien qu’il s’intéresse à dessiner, compter, chanter… même parler ! Mais nan lui son truc ce sont les robots. Des bagarres, des plans machiavéliques de sauvetage. Il les serre dans ses petits bras d’amour et n’a besoin de rien d’autre. Alors parfois, je m’asseois par terre à côté de lui et on parle de robots. Pas de ce que moi j’en sais, mais de ce que lui en ressent. Et pourquoi il préfère celui là ? Et pourquoi celui là il est plus fort alors qu’il est plus petit ? Et celui là il est malin ou ça vole pas haut ? Ah si il vole ? ah autant pour moi !!

Explore, mon fils. Explore toi et explore le monde. Joue aux legos et joue par terre avec des cailloux. Tout est à ta portée. Tout t’est offert. Rien n’est plus noble qu’autre chose. Tout se vaut. Parce que tout peut t’apporter du bonheur. Rien n’est inutile si toi ça te fait plaisir.

Et puisque je parlais de la Bible, je repense, à Jesus qui alors que tout le monde braille autour de lui concernant la femme adultère à lapider, s’abaisse … et dessine sur le sable.
Puissiez vous, mes garçons, quand la tempête s’abattra (un jour ou l’autre) sur vous, toujours vous abaisser, quelques instants, et dessiner sur le sable. A votre manière et selon ce que vous aurez choisi. Mais puissiez vous, en faire un don. Car ces quelques instants de grace, quand tout s’arrête, sont la Vie même. Entourés de tous ces gens qui courent partout pour rentabiliser chaque moment, échanger quelques heures de ta précieuse existence pour faire des bocaux de confiture, c’est je pense la plus grande sagesse qui soit.

Bien sûr on ne peut pas faire que ça (encore que…). Mais ça me paraît un devoir parental de vous en proposer le maximum. Et reggio de par sa diversité est le tremplin que j’ai choisi moi. Pour vous lancer dans l’amour de l’exploration du monde ! Et puis si vous trouvez un truc, par hasard, qui vous botte vraiment, bah je serai là pour vous donner le courage d’y aller à fond ! Pour que vous n’ayiez jamais le besoin de vous justifier d’aimer telle ou telle chose ! Pour que jamais on ne vous ferme des portes, comme à votre père et que jamais vous ne fermiez vos propres portes, comme je l’ai fait moi…

4 réflexions sur “Explorer les dons de l’enfant

  1. Bonjour, votre texte est fort, atroce et merveilleux à la fois. Alors j’ose un petit commentaire qui peut paraître bizarre, mais si jamais cela peut être utile… Il y a 10 ans, au travail on m’avait retrouvé allongée par terre à peine consciente tellement la douleur d’endométriose était forte. J’avais alors peur de la couleur rouge. Jamais de vêtements évidemment de cette couleur. J’ai lu que porter des sous-vêtements rouges pouvaient aider. Cela m’a paru bizarre, mais j’en ai acheté. Petit à petit ma peur de cette couleur est partie, désormais je l’aime beaucoup et mes douleurs se sont presque totalement envolées . Cela a pris 3 ans peut-être. Les kystes réapparus après 2 coelios se font discrets. J’ai arrêté les FIV donc cela aide aussi… (grossesse miracle et naissance en 2014). Comme avec la blessure de votre fils, vous avez vu beaucoup de rouge / sang, et que vous écrivez sur l’endométriose, j’ose le lien. Bon courage. nathalie

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