Les jumeaux et l’orthophonie

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Ca a commencé par la légende familiale qui veut que l’enfant que j’étais refusait de parler mais lorsque je m’y suis mise, j’ai été bilingue tout de suite . Et j’avais 2 ans.

Ce repère des 2 ans m’est resté en tête et a été associé à « tardif ». Alors quand à l’approche des 2 ans, les garçons n’étaient ni bilingues ni bavards, j’ai commencé à me poser des questions.

Bon au début t’entends « mais noooonn y a pas de problème madame, chacun son rythme ». Ok normal. Mais je suis quand même quelqu’un de prudent. Alors j’ai demandé qu’on me démontre qu’il n’y avait pas de problèmes. Donc là déjà tout le monde a commencé à faire la gueule. Je suis passée d’inquiète à chiante.

Mais j’ai pas lâché l’affaire. A chaque médecin rencontré, de Necker (où les enfants sont suivis tous les 6 mois) au pédiatre, j’ai parlé de ce sentiment qu’il y avait un souci. Ils prononçaient des mots, puis ces mots disparaissaient. Ils prononçaient leurs sons propres pour chaque chose du quotidien et s’en tenaient à ce mot là que seuls eux comprenaient. Et impossible de leur faire dire le vrai mot. Ils commençaient à mélanger dans la même phrase du français et du serbe (alors que je n’ai jamais fait ça moi petite).

A 2 ans et demi, soit plus de 6 mois plus tard, Necker a reconnu pour la première fois, qu’en effet ils n’étaient pas en avance sur le langage ! Tout le reste allait bien, on a écarté tout risque autistique et autres joyeusetés de ce genre. Mais la parole, que dalle !! Ils étaient TRES bavards et communicatifs mais dans leur patois gémellaire, dans leurs sons de bébés. Quelques phrases se profilaient mais rien de concret. Mais « ça va venir madame », « les otites ça madame c’est normal il entend mal » (et l’autre qui en a jamais ??),  » ah bah les jumeaux hein c’est rien ça va passer » …

2 mois avant leurs 3 ans, je me suis énervée. J’ai pris rendez vous, de mon propre chef, avec une orthophoniste pour un bilan. Par miracle j’ai eu une place. Une. Il a fallu faire ce qu’aucune mère de jujus ne devrait avoir à faire en cas de problème : choisir.

J’ai choisi Mathias parce qu’il me semblait le plus renfermé, le plus souffrant de cette situation et que son « vocabulaire » était moins riche (de 4 mots hein) que celui de Damien. J’en ai pleuré de frustration mais j’ai fait passer ce bilan.

Une fois le bilan passé (qui a confirmé qu’en effet il était communicatif mais sans vocabulaire), Necker a accepté de m’écouter vraiment et a fait une ordonnance pour le bilan de l’autre enfant et surtout m’a orienté vers le CAMSP.

Les appeler et les entendre me dire qu’on avait un rendez vous pour les deux 4 mois après a été une grande victoire et un grand soulagement ! Enfin on allait s’occuper de mes deux enfants à la fois, sans différences et dans une structure pluridisciplinaire !

J’ai donc tout misé sur ce rendez vous sans faire faire de suivi à Mathias après son bilan.

Quand je suis sortie de ce rendez vous, j’ai pleuré des heures. Mes enfants allaient être suivis. Tous les 6 mois. Mais il n’y avait pas de place pour eux. Pas assez handicapés. Pas assez importants. Ce que je comprends. Mais quel vide. Que faire maintenant ??! Je me suis sentie incomprise, délaissée, seule face à un problème reconnu mais pour lequel personne n’avait de solution (et bon tout le monde s’en foutait complètement !)

J’ai rappelé ma première orthophoniste et je la remercie tous les jours que Dieu fait d’avoir tenu ses engagements et d’avoir repris Mathias ! Dès la première séance il prononçait toutes les voyelles et se mettait à signer et à former des mots complètement nouveaux pour nous. Sa petite voix frêle brisait enfin un silence qui a duré quasiment une année ! L’entendre dire pour la première fois son prénom ou même un simple Bonjour a été une immense joie.

J’ai contacté ensuite pour Damien tous les orthophonistes de ma ville. Des villes d’à côté. Des villes encore encore encore à coté. Jusqu’à aller jusqu’au sud de Paris même. Quasiment toute la région. Plus de 47 personnes en tout. Elles ont toutes refusé de le prendre. Oh un bilan oui, ça pas de souci. Mais pas de suivi derrière. Trop petit. Trop jeune. Pas de place. Liste d’attente. On vous rappelle en mars.

L’inquiétude a grimpé en fleche. Un enfant suivi et pas l’autre ? c’était aberrant, impossible ! J’ai même pensé à me former moi même ! Je n’arrivais même pas à comprendre comment on pouvait en arriver à ça !

Quand cette orthophoniste a répondu à mon mari « mais bien sûr, pas de souci j’ai la place pour les deux » on a d’abord presque cru à une blague. 4 fois on a fait confirmer le rendez vous. Elle est à plus d’une heure de chez nous. Mais quand elle m’a serré la main en me disant « je suis maman de jumeaux, je comprends », j’ai jamais ressenti aussi fort le poids sur mes épaules s’envoler.

Mes deux enfants ont maintenant un suivi. Mathias y va le lundi et Damien, en train (!!) le jeudi. Ils ne sont pas particulièrement satisfaits de devoir fournir un tel effort intellectuel, mais ça brasse un peu leur singularité gémellaire et le monde un peu facile dans lequel ils se protègent l’un l’autre. On secoue le cocotier et les premières noix commencent à tomber pour notre plus grande fierté. On a fait le deuil de l’enfant parfait sans problèmes. On a accepté que ça allait prendre du temps et que ça allait être difficile. Mais on peut enfin y travailler, faire quelque chose, leur offrir une solution, s’appuyer sur la compétence de professionnelles…. Nous ne sommes plus livrés à nous mêmes. Ca nous aura pris une belle année. Tout ce temps perdu pour eux comme pour nous (et mes nerfs ^^).

La prochaine étape que je me fixe c’est d’inclure l’école dans ce processus. Maintenant je suis rodée dans le domaine de la chiantise, plus rien ne me fait peur !!

On ne sait pas pourquoi c’est comme ça, pourquoi nous. Pourquoi eux surtout. On ne sait pas comment ça va évoluer et avancer. Mais cette nouvelle victoire (de Canard) me fait quand même dire qu’on a une bonne étoile et je souhaite bien du courage à tous les super parents confrontés à des luttes similaires ou pires …

Je mets ce petit lien où j’ai trouvé les fiches de Borel Maisonny qui me servent pour travailler avec Mathias. Nous connaissons presque maintenant tous les signes associés aux sons et c’est très beau de le voir prononcer un mot en faisant virevolter ses petites mains 🙂 Heureusement que j’ai fait de la linguistique il y a quelques années à la fac, j’arrive encore à suivre un peu tout ça, en tout cas il me paraît important que la reconnaissance du problème et la solution apportée soit familiale et entoure l’enfant dans tous les pans de sa vie, afin de le porter au mieux en lui donnant confiance en cet apprentissage, en ce qu’il dit et fait !

Toute aide sous forme de livre pour enfant ou film ou quelconque support que vous puissiez avoir sous la main est la bienvenue en commentaires ! Merci à vous d’être de plus en plus nombreux à nous lire ❤ Ne lâchez jamais rien, croyez en votre instinct !

5 réflexions sur “Les jumeaux et l’orthophonie

  1. C’est la premiere fois que je commente mais j’aime beaucoup ton blog que je suis depuis qques temps deja!

    Ton récit m’a vraiment pris aux tripes, et je suis contente pour vous que les choses évoluent dans la bonne direction et surtout que vous ayez trouve du soutien, enfin!!

    Je suis maman d’une petite fille et il est encore beaucoup trop tot pour distinguer ce genre de choses (elle vient d’avoir un an :)), mais c’est toujours bien d’avoir été informé en amont pour être attentif aux signes.
    Par contre, tu ne dis pas ce dont il s’agit exactement? Est-ce « juste » un retard du au fait que ce sont des jumeaux et que leurs sons leur suffisaient dans leur bulle ou bien y a-t-il un nom de « trouble »? Je demande cela pour pouvoir faire des recherches éventuellement 🙂 Et j’ai mis des guillemets car je ne voudrais pas écrire des mots qui seraient mal pris.

    En tout cas, tout ceci me réconforte totalement dans le fait de suivre mon instinct dans toute situation!! C’est deja qqch que je faisais avant d’être maman, mais depuis la naissance ma ma choupette, c’est encore plus present dans mon processus de reflexion (a tous sujets).

    Bref, voici donc un premier commentaire maladroit :s mais qui se veut positif! 🙂

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    • non tu as raison c’est bien merci de ton commentaire chaleureux 🙂 a vrai dire pour le moment on ne m’a pas donné de « nom » à ce qui se passe…On parle de retard de langage mais sans vraiment toucher aux causes. Je pense qu’il y a plusieurs facteurs (un « trouble » réel qui leur appartient en propre et un trouble gémellaire qui s’est rajouté). Ce qui ne veut evidemment pas dire que tous les jumeaux auraient un risque mais les miens en tout cas sont « tombés dans le piège » ^^ on a toujours fait attention, peut être pas assez mais je veux pas me culpabiliser avec ça. Savoir qu’est ce qui a entraîné quoi, pour le moment c’est l’oeuf et la poule ! Les 2 orthophonistes vont être mises en relation afin de pouvoir éventuellement démêler ce qui appartient à qui et à quoi ^^ Après franchement une fois qu’on voit que ça prend forme et que ça fonctionne, le pourquoi me passe au dessus de la tête 😀 Il y a urgence à ce qu’ils aient un langage pour structurer leurs idées, pour les sortir de leur bulle, pour les aider à l’école… donc oui faut rester positif et confiant ❤

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      • Ah mais tu as raison : tu ne dois surtout culpabiliser en rien! En tant que parent, il y a tellement de choses dans la vie de nos enfants qui sont hors de notre contrôle, c’est impossible de tout anticiper, prévenir et de faire en sorte qu’ils ne soient jamais blesses (physiquement et émotionnellement). Faire du mieux qu’on peut est définitivement notre seul moyen de faire 😉
        C’est vraiment super que les deux orthophonistes veuillent bien coopérer! Si je comprends bien, vous voyez deja les premiers résultats et c’est tout ce qui compte!! 🙂

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  2. eh beh encore un combat, tu as l’air d’une battante, et je suis bien d’accord avec toi à 300% il ne faut jamais rien lâcher quand on y croit et suivre notre instinct. On sort aussi d’un tunnel de 20 jours des suites de mon 3e accouchement (chez nous les enfants vont bien Dieu merci, c’est plutôt mon corps qui posent des problèmes post accouchement…) enfin l’instinct, la famille et la foi (quel quelle soit permettent de s’en sortir!). Bon courage à vous 4

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